samedi 8 septembre 2007

Le fil d'Ariane, chapitre VII et épilogue

Voilà ! C'est la fin. J'ai été heureuse de partager cette histoire avec vous... Si vous voulez, je vous en dirai plus dans quelques jours quant à mes sources d'inspiration. Histoire d'assimiler vos impressions. N'hésitez pas à me mettre un commentaire !
CHAPITRE VII

L'inconnu avait tout de suite remarqué que le marquoir avait disparu et semblait un peu déçu. En tout cas, il n’avait rien d’effrayant à cette distance là et portait la cinquantaine avec élégance. Il m’avait même adressé un sourire un peu gêné. A croire que ce n’était plus le même homme. Allait-il passer son chemin sans rien me demander ? J’étais à deux doigts de le croire. Il semblait hésiter… Je ne sais pas pourquoi je me suis finalement lancé la première.

- Je peux peut-être vous renseigner. Vous semblez intéressé par les marquoirs anciens. Je vous ai déjà vu devant ma vitrine plusieurs fois.

- Effectivement, oui… Enfin non, pas véritablement. C’est assez compliqué comme histoire. Est-ce que je peux rentrer un moment dans votre magasin ? J’ai quelque chose à vous montrer.

Je n’avais plus peur du tout. J’allais enfin savoir qui était l’inconnu de 18h.

Il s’appelait Pierre Deschamps et travaillait deux rues plus loin. En passant devant ma mercerie, il avait été frappé par le marquoir d’Ariane Buisset. Sa femme possédait une oeuvre similaire brodée par une ancêtre lointaine qui avait fréquenté le même couvent, Marie-Adèle Francières. Il avait justement la photographie dans son sac si je voulais y jeter un coup d’œil. Cela faisait un moment qu’il l’avait sur lui mais il n’osait franchir le seuil de ma mercerie.

Effectivement les mêmes motifs figuraient sur les deux broderies mais ce n’était pas rare que des camarades de couvent composent plus ou moins le même marquoir. Marie-Adèle semblait cependant bien plus douée que la petite Ariane. C’était toutefois difficile de se prononcer à partir d’un vieux polaroïd des années 70.

- C’est très troublant effectivement cette ressemblance mais pas exceptionnel. J’aimerais bien étudier le marquoir en vrai ou en voir une meilleure photographie, si c’est possible.

Pierre Deschamps s’était pétrifié une seconde et une immense détresse avait envahi son visage. Puis il avait semblé soulagé de se confier.

- Hélas, ce marquoir n’existe plus. Ma femme l’a détruit, avec d’autres souvenirs de famille, le jour où elle a appris que son cancer était incurable. Elle ne voulait pas que des objets lui survivent. Elle trouvait ça injuste de disparaître alors que ce chiffon avait traversé un siècle sans dommage.

Et comme je restais sans voix n’ayant jamais su prononcer les mots qui réconfortent, il rajouta le visage bouleversé :

- Lorsque j’ai vu ce marquoir dans votre vitrine, j’ai tout de suite pensé que ma femme m’envoyait un signe… Elle se prénommait Ariane, comme la petite brodeuse.


EPILOGUE

J’avais naturellement offert le marquoir de la jeune Ariane Buisset à Pierre, tout en sachant que cela ne ferait pas revivre l’autre Ariane, celle qui avait compté dans son cœur.

Les membres du club de point de croix de Dominique avaient décidé de reproduire à l’identique le marquoir de Marie-Adèle, en analysant à la loupe le polaroïd et en s’inspirant des coloris de l’ouvrage d’Ariane, sa camarade de pensionnat. Certaines retranscrivaient les motifs sur papier quadrillé, d’autres brodaient à tour de rôle une lettre ou un symbole.

En juin, pour la dernière conférence de la saison, j’avais organisé une exposition autour des deux marquoirs. Jeanne la maîtresse d’école, avec l’autorisation des parents et du rectorat, avait accroché les lettres brodées par les enfants sur les murs de ma mercerie. Le mots Paix, Partage, Bonheur, Tendresse dessinaient une frise rouge et bleu qui s’harmonisait merveilleusement bien avec les tons passés des deux broderies.

Anne-Sophie avait fait des recherches sur le couvent du Saint-Sacrement à Nîmes et livré le résultat de ses investigations dans une petite plaquette. Elle y avait aussi écrit un très beau texte sur la mémoire, le sens caché des choses. Tout, disait-elle, avait une signification. Je finissais par le croire.

Pierre m’avait demandé en mariage ! Je ne sais pas si sa femme lui avait donné l’autorisation de vivre un nouvel amour à travers ce marquoir qui portait son prénom et l’avait guidé jusqu’à moi. Etait-ce le hasard ou le signe du destin ? Peu importait finalement.

17 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà bien la vraie beauté des objets :ils nous ouvrent une petite porte dans "la cathédrale immense du souvenir" .
Merci pour cette jolie nouvelle, Hélène, bon week-end, à bientôt!
Muriel

Anonyme a dit…

Tendre, émouvant, fort joliment écrit. Voilà qui donne une nouvelle vie à ces marquoirs d'antan. Vous brodez aussi bien avec les fils qu'avec les mots.

Anonyme a dit…

déjà fini.........j'aurai aimé que tu "brodes" encore un peu cette jolie histoire de marquoirs...
merci!
amitié

Véronique a dit…

très belle histoire et très bien écrite, j'espère voir bientôt d'autres nouvelles aussi passionnantes. Merci pour cette belles histoire de marquoirs.

Anonyme a dit…

Béa a t'elle dit oui? une suite s'impose :-) Merci Hélène pour ces jolis moments de lecture

Anonyme a dit…

Cette histoire est belle et en effet je pense qu'elle était trop courte, trop condensée.
Il y avait trop de matières dedans pour en faire une nouvelle.
On a trop souvent sauté du coq à l'âne comme on dit, alors qu'on aurait aimé se "vautrer dedans".
Je pense qu'il faut que tu reprennes tout ça ... et que tu nous en fasses un livre, un peu comme le Jour du Patchwork !
allez ... on s'y met ...
bon courage

Anonyme a dit…

Merci pour cette agréable semaine ! Je pense moi aussi qu'il y avait matière à de nombreux chapitres... l'été prochain peut-être ? ;-)

Anonyme a dit…

J'ai découvert ta nouvelle grâce à Claudineb et j'ai tout lu d'une traite. Il ne me manquait plus que le dernier chapitre. Merci pour ce bon moment passé à lire ce récit tout empreint de douceur.

Anonyme a dit…

Chère Hélène,
ton feuilleton est magnifique!!!
Il commence par une intriguante histoire de marquoir et se finit par une demande en mariage...(même moi qui m'y connais en histoires de coeur,je n'aurais pu imaginer une fin pareille!!!)
Franchement,tu devrais faire de cette nouvelle un roman!!!
Gros bisous, Léa

Anonyme a dit…

hummm, je me suis regalée à chaque chapitre !!!!
une fin romantique objet souvenir ....... qui me comble !!!
Mais a t-elle dit "oui"?

clob

Anonyme a dit…

Je n'ai q'un mot, Hélène : réitère !!
Je vais imprimer ton texte, m'en faire un petit livret que je relirais et relirais encore...
Je tourve ce que tu nous offre un cadeau inestimable : lorsque l'on publie les mots du coeur, ces mots intimes, c'est un vrai don que l'on fait.

La croisée

Anonyme a dit…

Je n'avais pu être au rdv vendredi, ainsi j'ai n'ai pas eu a trépigner pour connaitre la fin de l'histoire ! Mais maintenant je me sens "orpheline", c'est toujours ainsi quand je quitte des personnages attachants ! Peut-on espérer une suite ?
En tous cas bravo, cette histoire était un vrai délice !
Bonne soirée

Anonyme a dit…

Bel Essai;ne reste plus qu'à l'illustrer...en broderie :o)

Anonyme a dit…

Merci pour cette jolie nouvelle. J'ai passé un superbe moment à la lire et j'aurai aussi aimé qu'elle soit plus longue...

Anonyme a dit…

Oh les frissons !! Merci, quel excellent moment je viens de passer !
Il me faut t'avouer que je te lis, en cachette malgré ton appel à nous dévoiler, depuis quelques temps et que je me régale.
Pour l'instant, je remonte ton temps et tes petites allusions à un passé somme toute pas si différent du mien me laissent parfois toute rêveuse.
Tes articles me plaisent par leur diversité, et leur fraîcheur.
Et là .....!!! J'espère que tu renouvelleras cet exercice si agréable pour tes lectrices.
Merci.
Momodino

Hélène a dit…

Merci Momodino... Tes mots me touchent. Oui, j'ai envie de continuer parce que cela me fait de bien d'offrir un peu de mes émotions. Surtout quand elles sont appréciées.

Anonyme a dit…

De rien. Juste reconnaissance d'un travail prenant, certainement fastidieux parfois et gratuit que je serais bien incapable de faire moi-même.
Momodino