mardi 29 septembre 2009

Dimanche 4 octobre

Et oui, c'est déjà dimanche la prochaine pleine lune et je n'ai toujours pas donné mes instructions pour ce mois-ci.
Je suis un peu absente en ce moment... Quelques tracas, des projets écriture, des broderies nouvelles et un peu secrètes, d'autres occupations (musique, stretching...) et hop ! je "déblogue" un peu.
Je suis même trop paresseuse pour mettre une photo !

Justement, le 4 octobre, il sera question de photos. J'ai besoin d'illustrer un article sur le SAL Fil en poussière (qui paraîtra dans la prochaine revue du Marquoir) avec de belles images de vos récoltes.
Il ne s'agit pas d'un concours de la plus belle photo mais j'espère que vous serez inventives.
Et surtout, précisez-moi si vous donnez votre accord pour sa publication dans une revue ou si vous êtes contre.
Je ne sais pas encore si je vais procèder à un tirage au sort ou choisir mes préférés !
Ce serait fantastique de pouvoir mettre tout le monde mais cela risque de faire un peu désordre dans Le Marquoir, tous ces bouts de fils :-)

lundi 21 septembre 2009

L'héritage

Les mots brodés
# 4


Le projet d’écrire des nouvelles a germé au hasard de mes promenades sur internet. Une brodeuse (Véro M en l'occurence) déplorait qu’il n’existait pas un équivalent français aux romans populaires américains mettant en scène des quilteuses ou des tricoteuses (Jennifer Chiaverini, Debbie Macomber).
Pour m’amuser, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer d‘imaginer des histoires simples de brodeuses ?
Une première nouvelle est née, suivie de quelques autres. Dans chacun de ces récits disparates, on retrouve la mercière Béatrice, le personnage principale du « Fil d’Ariane ».
L’écheveau n’est pas encore tout à fait déroulé : d’autres nouvelles viendront sans doute compléter la série.



Cette nouvelle est dédiée à Laurence S.


Je ne l’avais pas vraiment connu, Jeanne, la sœur de ma mère. Quand j’étais petite, elle venait souvent passer le réveillon de Noël chez nous. Elle était comptable, célibataire et sa vie n’avait rien de palpitant. Du moins en apparence. Elle parlait peu d’elle et les repas de famille étaient surtout animés par nos rires et chamailleries d’enfants. Grisés par la joie d’être réunis autour d’une bonne table, les adultes finissaient par nous ressembler. Leurs soucis personnels étaient mis entre parenthèse.
A dix huit ans, j’étais partie faire mes études à Paris et j’y étais restée. Premier travail, premier amour… tout ce qui fait qu’on s’installe à un endroit plutôt qu’à un autre. Cela devait faire au moins trois ans que je n’avais pas revu tante Jeanne. L’annonce de son décès me sembla d’abord irréelle. Quel âge avait-t-elle déjà ? Le temps avait-il passé si vite ? Il est vrai que l’on peut mourir à tout âge et sans forcément être malade. Jeanne était morte dans son sommeil, d’une probable rupture d’anévrisme. Madame Dumont l’avait trouvé en arrivant le matin. Depuis son opération de la hanche, elle avait une femme de ménage qui venait chaque jour s’occuper de la maison, des courses, de la cuisine. Je regrettais de ne pas lui avoir plus souvent envoyé une petite carte postale lors de mes voyages. Regrets faciles et inutiles.
Ma mère semblait désemparée par ce décès brutal. Jeanne était l’aînée, celle qui donnait toujours des conseils raisonnables, ne perdait jamais son sang froid alors que ma mère était une angoissée qui se noyait dans une goutte d’eau. Qu’allait-elle faire de l’héritage laissé par sa sœur et surtout de toutes ses affaires personnelles ? Vendre la maison et les meubles serait facile mais il fallait trier ou jeter le reste, pénétrer dans l’intimité d’une femme et peut-être dans ses secrets. Elle n’avait pas le courage de le faire toute seule mais ne voulait pas d’une aide masculine. Il est vrai que je ne voyais guère mon père ou mes frères se charger d’une telle tâche !
J’avais décidé de prendre une semaine de congé pour aider ma mère. Je voulais qu’elle sache que malgré la distance, elle pouvait compter sur sa fille. Dans le TGV qui me menait à toute vitesse à la rencontre d’une vie disparue, je me sentais comme une archéologue en route vers un nouveau chantier de fouille. Je regrettais d’avoir mis ma broderie au fond de ma valise car trop de pensées perturbaient ma lecture. Quelques petits points sur la toile auraient certainement calmés mon agitation.

Assise dans le fauteuil Régence qui avait toujours été mon préféré pour broder, je terminais un abécédaire après une journée de rangement dans la maison de ma tante. En trois jours, nous avions déjà vidé la cuisine, la salle de bains et fait du tri dans les vêtements et le linge. Jeanne conservait de très beaux draps brodés à ses initiales. Trousseau qui n’avait pas beaucoup servi et qu’elle avait peut-être brodé elle-même… J’ignorais si ma tante Jeanne savait tirer l’aiguille. Demain, j’explorerais ses tiroirs, à la recherche d’écheveaux, de ciseaux dorés. Il devait bien y avoir au moins quelques vieilles bobines de fils en bois patiné. Voilà qui me motiverait davantage que la vaisselle ébréchée ou les tubes d’aspirine périmées.

J’en étais sûre ! Dans une commode acajou parfumée à la cire d’abeille et à l’essence de lavande, des articles de mercerie m’attendaient. Le tiroir du bas renfermait un fouillis de rubans, dentelles et passementeries. Celui du haut, des revues très anciennes de broderie, et même quelques livrets Sajou et Alexandre inestimables qu’elle tenait peut-être de ma grand-mère. Un vieux marquoir rouge anonyme daté de 1921, coincé entre deux magasines, avait sans doute été brodé par elle. Ma mère, indifférente aux travaux d’aiguille, accordait peu d’importance à ces reliques et ne se souvenait pas vraiment. Nappes envahies de fleurs colorées, serviettes animées de papillons, complétaient la collection. Un monogramme J.V. au graphisme géométrique signait chacune de ces pièces. Ma tante avait-elle continué à s’adonner à la broderie ? Rien dans son intérieur, n’attestait une passion quelconque. Le décor était impersonnel, les coussins usés et tristes, sans fantaisie. Peu de livres ou de cadres, à part ceux que nous lui avions offerts. Et pourtant, le tiroir du milieu prouvait que ma tante brodait toujours. Des fils DMC bien rangés sur leur archet, quelques toiles de lin, et un nombre important de petits kits attendaient leur heure. Un ouvrage presque terminé reposait dans un panier en osier, en compagnie d’une très jolie pochette à ciseaux et à fils. Il me semblait reconnaître un petit Tournicoton. Mais pour qui brodait-elle ces grilles à la mode ? Des créateurs comme La Sylphide Toquée ou Tralala cadraient si peu avec l’image que je me faisais de ma tante.

- Elle devait sans doute offrir des broderies comme cadeau de naissance, d’où le côté enfantin des modèles, suggéra ma mère.
- Oui, tu as peut-être raison. Il y a aussi une grille de mariage. Elle avait peut-être d’anciens collègues dont les enfants étaient en âge de se marier.
- A moins qu’elle ne l’ait acheté en prévision de ton mariage !
C’était la taquinerie préférée de ma mère qui mine de rien, aurait bien vu sa fille de blanc vêtue. Ma tante avait peut-être le même désir secret.
- Trêve de plaisanterie, répondis-je. Penses-tu qu’elle connaissait autant de gens ayant des bébés ? Elle semblait tellement solitaire.

J’étais à cours de DMC 498 pour terminer mon abécédaire et décidais de me rendre dans l’unique mercerie de la ville. J’étais curieuse de rencontrer la femme qui tenait cette boutique depuis un an, une parisienne qui avait quitté son premier métier pour venir s’installer dans ce quartier ancien réputé pour ses antiquaires. Cela marchait plutôt bien à voir le monde qu’il y avait dans la boutique, un jour de semaine. Il y avait peut-être quelqu’un qui se souviendrait de ma tante… Je ne savais pas vraiment comment aborder ces dames inconnues et décidais de payer d’abord mes achats.

- Avez-vous la carte de fidélité du magasin ? me demanda la mercière d’une voix aussi douce que les fils de soie posés sur le comptoir.
- Non, répondis-je, je suis seulement de passage dans la région. Mais je pense que vous deviez connaître ma tante, madame Virbeau…
- Vous êtes la nièce de Jeanne Virbeau ? Nous la regrettons toutes beaucoup ici. Elle était si gentille et talentueuse ! Regardez la régularité des points et l’arrière si soigné de cette broderie !

J’avais un peu du mal à saisir pourquoi une bannière brodée par ma tante décorait la boutique.
Une cliente me désigna un Passé composé, puis un Brightneedle, également réalisés par ma tante. Combien y avait-il de modèles brodés par Jeanne accrochés au murs de la mercerie ?
J’étais un peu honteuse de si peu connaître ma parente devant toutes ces dames admiratives. J’habitais Paris, soit, mais cela n’excusait pas tout.
Au fil des louanges, je commençais pourtant à comprendre. Béatrice, la mercière, aimait montrer à sa clientèle les modèles brodés. Presque toutes les grilles qu’elle vendait étaient exposées dans sa boutique. Les nouveautés et les thèmes de saison étaient accrochés aux murs, les autres échantillons classés dans de grands classeurs. Comme elle ne pouvait elle-même réaliser tous les modèles de son magasin, elle demandait à certaines de ses clientes de les lui broder. Elle leur offrait la grille, fournissait la toile et les fils, avec toujours un petit supplément.

- Votre tante refusait toujours les petits cadeaux. Et elle me ramenait la grille, une fois l’ouvrage terminé. C’est à peine si elle osait garder les restes d’écheveaux.

- C’est incroyable, m’étonnai-je, jamais je n’aurais imaginé ma tante brodant pour une mercerie…
- Oui, c’est assez surprenant, reconnut la mercière. Un jour, j’avais épinglé une petite affichette indiquant que je recherchais des brodeuses bénévoles pour le magasin et elle s’était spontanément proposée de m’aider. J’en avais été très surprise car elle n’achetait jamais que du fil à coudre dans ma boutique, sans regarder autre chose sur les présentoirs.
- Peut-être attendait-elle une sorte d’autorisation pour se remettre à la broderie, suggérais-je.
- Oui, mais sans pour autant devenir une vraie fanatique, me confia Béatrice.

Comme je ne comprenais pas vraiment ce qu’elle voulait dire, elle m’expliqua qu’une fois son ouvrage terminé, Jeanne s’en désintéressait complètement. Elle pouvait broder n’importe quel modèle, n’avait aucune préférence. Elle était douée, mais semblait sans passion. J’étais triste à l’évocation d’une tante alignant les petits points comme des chiffres sur un bilan comptable. J’aurais préféré une parente moins soigneuse, faisant des nœuds à l’arrière de ses ouvrages, formant mal ses croix, mais heureuse de transmettre un héritage. Pourquoi une telle indifférence apparente alors que ses tiroirs cachaient tant de trésors de mercerie précieusement conservés ? Sans doute n’avait-elle pas appris à exprimer au grand jour ses sentiments ou ses goûts.

- En tout cas, j’ignorais que Jeanne avait une nièce brodeuse, conclut Béatrice. Cela me ferait plaisir de vous offrir un de ses cadres.

J’avais une boule dans la gorge et ne pus en choisir aucun. Je ne voulais pas d’un cadeau que tante Jeanne n’avait jamais osé me faire de son vivant. La mercière Béatrice comprit ma réaction et me proposa alors le kit que j’avais longtemps regardé dans sa boutique. Un jour, c’est certain, je l’offrirais à l’homme que j’aime. Ou alors à ma fille. Il était temps, peut-être, d’avoir un enfant…

(c) Hélène croix de lune, 2009
ne pas reproduire sans mon autorisation


mercredi 16 septembre 2009

Abc à l'alsacienne


Fils Soies de Marie sur lin

Voici l'abécédaire que j'ai imaginé pour la troisième arrière grand-mère de ma fille. Pour le réaliser, je me suis plongée dans l'histoire de ma région natale.

Maria-Louise, ma grand-mère paternelle, est née en 1901, en pleine annexion allemande (d'où la présence du prénom Maria. Par la suite, elle ne conservera que celui de Louise). En ce temps-là, un modèle unique de marquoir semblait être diffusé dans les écoles comme l'attestent les échantillons conservés au musée alsacien de Strasbourg. En 1906, une publication destinée à l'enseignement des travaux manuels, éditée pendant l'annexion de l'Alsace à l'empire allemand, présente ce modèle imposé et qui perdure bien après 1918.

Comme on peut le voir, les caractères utilisés ne sont pas ceux de l'écriture gothique, mais de la cursive dite "anglaise". L'absence de la lettre J (assimilée au I en allemand) et la présence du W (peu usitée en France), permettent d'affirmer que les brodeuses pratiquaient l'allemand plutôt que le français. La série de chiffres de 1 à 0 est présente dans l'une ou l'autre police (latine ou anglaise), voire les deux sur les pièces les plus anciennes.

L'abécédaire débute par sept rangées de motifs brodés au point de croix, prenant la forme d'un exercice progressif :
  1. demi-point de croix vers la droite
  2. demi-point de croix vers la gauche
  3. points de croix alignés
  4. points de croix en quinconce
  5. points de croix agencés en motif de chaînette
  6. points de croix agencés en motif de feuille
  7. points de croix agencés en motif de vagues ou "chiens courants"

La brodeuse est identifiées par ses initiales, rarement par ses noms et prénoms. Personnellement, j'ai préféré mettre son nom en entier (car ces abécédaires constituent une sorte d'arbre généalogique féminin léguée à ma fille).
L'année de confection est presque toujours indiquée. Pour les trois abécédaires déjà réalisés, j'ai décidé d'indiquer toujours l'année de leur 9 ans, d'où la présence de l'année 1910.


Sommaire et standardisé, le décor se compose de trois volutes doubles situées au bas de la toile.

Les bords sont le plus souvent terminés par un point de chausson en rouge. Comme je suis incapable de comprendre ce point, j'ai fait un simple ourlet (déjà bien assez difficile pour moi !).

Voilà. Mon abécédaire est terminé et ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de Joséphine, publiée dans le catalogue de l'exposition de 2004. Mission clonage parfaitement accomplie !




Source de l'article : catalogue de l'exposition Broder sans compter. L'art de la broderie en Alsace du 16e siècle au 20e siècle (2004).

samedi 12 septembre 2009

Résultats du sondage

Sur un échantillon de 27 brodeuses, vous êtes plus de 80 % à broder selon le type A. C'est à dire que la demi croix qui est au dessus est dans ce sens là : \

Les dernières réponses arrivées après mon calcul, confirment la prédominance du type A chez les brodeuses. Est-ce une caractéristique française ? D'après Anne-Marie, on broderait selon le type B en Angleterre, c'est à dire avec la demi croix au-dessus dans le sens /.


Comment expliquer la prédominance du type A ?
Beaucoup d'entre vous ont appris le point de croix toutes seules et les livres ou revue donnent toujours le type A comme modèle.
Celles qui pratiquaient la tapisserie avaient l'habitude de faire des petits points comme ceci : //// et étaient déjà conditionnées pour former leur croix selon le type A. Cela peut être une autre explication.
L'habitude de broder dans l'autre sens n'est pas liée au fait d'être gauchère ou droitière. C'est peut-être simplement le hasard de la première croix posée sur la toile. Nous avons commencé du pied gauche, en quelque sorte !

Après deux broderies où je me suis obligée à faire mes croix selon le type A (seulement pour voir si cela est plus facile ou plus joli), je vais revenir au type B par solidarité pour les 20 % de copines qui sont comme moi.
Enfin, plus facile à dire qu'à faire ! Voilà que je suis obligée de réfléchir maintenant pour ne pas me tromper de sens ! D'ici que je reste du type A...
D'ailleurs, je conseille à toutes les brodeuses, ce petit exercice de changement de sens. C'est très difficile, un peu comme de changer de main pour écrire.

Pour la prochaine pleine lune, je vous prépare un autre petit questionnaire (facultatif, comme d'habitude).
Merci pour votre participation, souvent très sérieuse.

vendredi 4 septembre 2009

Fils croisés


Pas la peine de tricher : j'ai été une mauvaise ramasseuse de fils ce mois ci. Brodeuse un peu trop nomade sans doute... et pas très productive. Voici donc les quelques bouts de fils qui traînaient au fond des mes paniers.

Je passe tout de suite à mes réponses aux questions que je vous ai posées en cette rentrée.

* Je suis du type B : je fais mes demi-croix comme ceci \ \ \ puis comme cela / / /, en commençant ma croix en haut, de gauche à droite et en brodant de préférence de gauche à droite en partant du haut de la toile.
Pour m'amuser, j'ai essayé de broder tout un ouvrage en utilisant le type A (en formant mes croix dans l'autre sens).
Pas facile de changer d'habitude. Et puis, je ne trouve pas que le résultat soit vraiment différent, alors à quoi bon se compliquer la vie ?

* J'ai appris à broder en Alsace avec ma maîtresse du CE1, et aussi avec ma mère. Je ne sais pas si cette habitude date de mes premiers points.

* Je suis droitière contrariée. Je brode et écris de la main droite mais je repasse et coupe les aliments de la main gauche. Je suis capable de peindre des deux mains, avec la droite pour les finitions précises et avec la gauche pour les grandes surfaces. En fait j'ai une main qui me sert pour tout ce qui demande de la précision et une autre pour ce qui nécessite de la force !

Et vous ?