mercredi 4 mars 2015

L'art de la harpe celtique, du Moyen Age au Vingtième siècle



Portrait de Hempson (E. Scriven)
Réédition CD de 1996



On évoque souvent la différence de qualité sonore entre les disques vinyles et les CD. Certains préfèrent le son des disques malgré les craquements, d'autres celui des CD. Je n'ai pas d'avis sur la question mais je déplore souvent la perte d'informations entre les pochettes de disque et de CD, surtout quand ce dernier ne s'accompagne pas de livret.
Pour la réédition de l'album de Régis Chenut enregistré chez Arion en 1977, je déplore l'absence d'iconographie et la perte de certaines informations, comme la biographie de l'artiste ou la bibliographie. Et la disparition du sous-titre : "Du Moyen Age à nos jours" auquel Régis Chenut était très attaché.

A ma manière, j'ai donc décidé de redonner vie à ces ressources.




LA HARPE CELTIQUE (par Régis Chenut)
Sa forme rappelle celle de la harpe de concert : elle comprend une caisse de résonance reliée à la console par une colonne. Dans la console sont placées trente chevilles, qui correspondent aux trente cordes fixées à l’autre extrémité au milieu de la table (partie supérieure de la caisse). L’instrument est accordé diatoniquement ; l’étendue est donc de quatre octaves et une note, du sol1 au la 5. Sous chaque cheville est placée une palette qui, par rotation, permet d’élever chaque corde d’un demi-ton. Les anciens harpeurs accordaient leur instrument en sol : on peut l’accorder aussi en mi b, comme la harpe à simple mouvement, ou en do. De nos jours, les cordes sont en boyau, souvent en nylon. Dans le grave, les quatre ou six dernières notes sont en métal filé.
La harpe irlandaise est un instrument médiéval qui a survécu jusqu’à la fin du 18e siècle. Ses cordes étaient de métal (laiton et acier) et sa caisse de résonance creusée d’un seul bloc dans du bois de saule. Son existence en Irlande est attestée par l’iconographie depuis le 9e siècle (psautier de Folchard, Ms irlandais de Saint Gall). L’instrument, la beauté de son timbre et l’habileté des harpeurs sont cités dès le 12e siècle par Giraldus Cambrensis, puis V. Galilei (1581) et M. Praetorius (1618). 

Barde
 La harpe reposait sur l’épaule gauche ; on jouait avec les ongles, la main gauche touchant les aigus et la droite les basses. Jusqu’au 16e siècle, les harpeurs jouirent d’une haute considération et d’une situation sociale enviable. Par la suite, les anglais les persécutèrent en tant que représentants de la résistance irlandaise. Le déclin de la noblesse autochtone qui les protégeait et les entretenait fit d’eux, peu à peu, des ménestrels ambulants. Parallèlement, on note une décadence de leur art, qui, de savamment raffiné, devint peu à peu populaire. La vieille technique consistant à jouer avec les ongles se perd au 18e siècle, et les derniers harpeurs jouent avec la pulpe du doigt. L’instrument disparait au début du 19e sièlcle avec Arthur O’Neill, dernier harpeur, qui donne de ses mémoires, des détails pittoresques sur ses collègues contemporains et passés.


Harpe du Trinity College, dite aussi de Brian Boru ou de O'Neill
Ancienne harpe Trinity College, côté droit (Bunting)



Ancienne harpe Trinity College, côté gauche (Bunting)





 Il existe dans les musées de Dublin et de Belfast , plusieurs spécimen conservés de ces instruments, notamment la harpe de Brian Boru (13e siècle) à Trinity College. 




 
A partir de la fin du 19e se siècle se dessine la renaissance d’un instrument qui ne sera plus celui à cordes de métal mais la harpe à corde de Boyau, d’origine galloise, connue aujourd’hui sous le nom de harpe celtique.


L’ancienne musique de l’instrument médiéval nous est pratiquement inconnue. A partir du 17e siècle, divers témoignages attestent l’emploi de la harpe irlandaise, en soliste dans le répertoire du luth, et dans des ensembles d’instruments pour la réalisation de la basse. Le répertoire actuel de la harpe celtique est constitué par la musique traditionnelle d’Irlande, d’Ecosse, du pays de Galles, relevée par des collecteurs depuis la fin du 18e siècle. Le plus célèbre d’entre eux fut l’irlandais Edward Bunting (1773-1843), qui, en 1792, à Belfast, réunit les quelque douze vieux harpeurs encore existants ; un seul d’entre eux, Denis Hempson (1695-1807), âgé alors de quatre vingt seize ans, jouait encore avec les ongles et, semble-t-il, dans le style de la harpe irlandaise médiévale. Bunting nota leur répertoire, qu’il publia en trois volumes, précédées de copieuses préfaces où il rapporte tout ce qu’il a pu recueillir sur la harpe irlandaise, son jeu et ses virtuoses. Un travail analogue a été fait en Ecosse et au Pays de Galles. 
La harpe celtique se prête parfaitement à l’interprétation de la musique médiévale, renaissante, baroque (répertoire du luth et du clavecin), et sa sonorité intéresse de nombreux compositeurs contemporains (G. Migot, A. Tchérepnine, M. Kelkel, A. Weber, Aubert Lemeland, Marc Carles).

BIBLIOGRAPHIE 
Giraldus Cambrensis Hibernica (1187) in Oeuvres complètes, éd. par J.S. Brewer, J.F. Dimrock et G.F. Warner, Londres 1861-91, vol. 5 ;
V. Galilei, Dialogo della musica antica e della moderna, Florence 1581, rééd. en facs. Rome 1934 ; éd. abrégée par F. Fano, Milan 1947 ; trad. anglaise abrégée in O. Strunk, Source Readings in Music Hist., Neww-York 1950
M. Praetorius, Syntagma musicum, II De organographia, Wolfenbüttel 1618 2/1619, rééd. en facs par W. Gurlitt, Kassel, BV, 1958-59
E. Bunting, A General Coll. of the Ancient Irish Music..., Londres 1796 ; du même, A General Coll. of the Ancient Music of Ireland..., Londres 1809 ; du même, A General Coll. of the Ancient Music of Ireland...arranged for pianoforte and voice, Dublin 1840
D.J. O'Sullivan, Carolan, The Life Times and Music of an Irish Harper, Londres, Routledge & Kegan Paul 1958
J. Rimmer, the Irish Harp, Cork, Mercier Press, 1969
E. Leipp et D. Mégevand, La harpe celtique, in Bull. du G.A.M. n°73, 1974.


Carolan, National Gallery Dublin
L’enregistrement du disque a été réalisé sur une harpe diatonique de Lyon-Healy de trente-deux cordes (étendue du do grave, deuxième ligne supplémentaire inférieure, clé de fa, jusqu’au fa à l’octave de la ligne supérieur clé de sol). Elle a été choisie parce qu’elle correspond exactement à la tessiture des instruments décrits par E. Bunting dans sa préface.
Au 18e siècle, la harpe à corde de boyau s’est généralisée en Irlande, au détriment de la harpe à cordes métalliques. Au Pays de Galles, le boyau a toujours été employé, dès le Moyen-Age. Des essais de construction d instruments à cordes métalliques ont été tentés : ils sont peu convaincants jusqu’à ce jour, surtout, sans doute, parce que le secret de la vieille technique s’est perdu (on jouait avec les ongles et on étouffait les sons beaucoup plus que dans le jeu de la harpe à cordes de boyau).

Collection dirigée par Ariane Ségal. Prise de son : Claude Morel

BIOGRAPHIE DU HARPISTE
Régis Chenut fit ses études musicales au Conservatoire de Strasbourg (piano, solfège, harmonie, histoire de la musique, clavecin et harpe) où il obtint un prix de clavecin, un prix de harpe ainsi que des diplômes de piano, solfège et harmonie.
Parallèlement, il travailla le clavecin avec Aimée von de Wiele (Paris) puis la harpe avec Liana Pasquali, professeur au Conservatoire de Bucarest, dans le cadre des cours internationaux de perfectionnement musical de Taormina (Sicile).
Il se spécialisa dans l'étude de la harpe "irlandaise" (harpe ancienne et diatonique) avec Denise Mègevand (Paris) et fit plusieurs séjours à Dublin pour effectuer des recherches sur l'instrument et son répertoire celtique.
Depuis 1968, il donne de nombreux concerts, participe à de nombreux festivals et à des émissions de télévision.
Parallèlement, Régis Chenut a fait des études universitaires (licence ès lettres) et enseigne le français dans une petite ville d'Alsace.


Photo Geoffroy Dahl

1 commentaire:

johala a dit…

Hello
Voilà un bel hommage!
Bisous