Portrait de Hempson (E. Scriven) |
Réédition CD de 1996 |
On évoque souvent la différence de qualité sonore entre les disques vinyles et les CD. Certains préfèrent le son des disques malgré les craquements, d'autres celui des CD. Je n'ai pas d'avis sur la question mais je déplore souvent la perte d'informations entre les pochettes de disque et de CD, surtout quand ce dernier ne s'accompagne pas de livret.
Pour la réédition de l'album de Régis Chenut enregistré chez Arion en 1977, je déplore l'absence d'iconographie et la perte de certaines informations, comme la biographie de l'artiste ou la bibliographie. Et la disparition du sous-titre : "Du Moyen Age à nos jours" auquel Régis Chenut était très attaché.
A ma manière, j'ai donc décidé de redonner vie à ces ressources.
Sa forme rappelle celle de la harpe de concert : elle
comprend une caisse de résonance reliée à la console par une colonne. Dans la
console sont placées trente chevilles, qui correspondent aux trente cordes
fixées à l’autre extrémité au milieu de la table (partie supérieure de la
caisse). L’instrument est accordé diatoniquement ; l’étendue est donc de
quatre octaves et une note, du sol1 au la 5. Sous chaque cheville est placée
une palette qui, par rotation, permet d’élever chaque corde d’un demi-ton. Les
anciens harpeurs accordaient leur instrument en sol : on peut l’accorder
aussi en mi b, comme la harpe à simple mouvement, ou en do. De nos jours, les
cordes sont en boyau, souvent en nylon. Dans le grave, les quatre ou six
dernières notes sont en métal filé.
La harpe irlandaise est un instrument médiéval
qui a survécu jusqu’à la fin du 18e siècle. Ses cordes étaient de
métal (laiton et acier) et sa caisse de résonance creusée d’un seul bloc dans
du bois de saule. Son existence en Irlande est attestée par l’iconographie
depuis le 9e siècle (psautier de Folchard, Ms irlandais de Saint
Gall). L’instrument, la beauté de son timbre et l’habileté des harpeurs sont
cités dès le 12e siècle par Giraldus Cambrensis, puis V. Galilei
(1581) et M. Praetorius (1618).
Barde |
La harpe reposait sur l’épaule gauche ; on
jouait avec les ongles, la main gauche touchant les aigus et la droite les
basses. Jusqu’au 16e siècle, les harpeurs jouirent d’une haute
considération et d’une situation sociale enviable. Par la suite, les anglais
les persécutèrent en tant que représentants de la résistance irlandaise. Le
déclin de la noblesse autochtone qui les protégeait et les entretenait fit
d’eux, peu à peu, des ménestrels ambulants. Parallèlement, on note une
décadence de leur art, qui, de savamment raffiné, devint peu à peu populaire.
La vieille technique consistant à jouer avec les ongles se perd au 18e
siècle, et les derniers harpeurs jouent avec la pulpe du doigt. L’instrument
disparait au début du 19e sièlcle avec Arthur O’Neill, dernier harpeur,
qui donne de ses mémoires, des détails pittoresques sur ses collègues
contemporains et passés.
Harpe du Trinity College, dite aussi de Brian Boru ou de O'Neill |
Ancienne harpe Trinity College, côté droit (Bunting) |
Ancienne harpe Trinity College, côté gauche (Bunting) |
Il existe dans les musées de Dublin et de
Belfast , plusieurs spécimen conservés de ces instruments, notamment la
harpe de Brian Boru (13e siècle) à Trinity College.
A partir de la
fin du 19e se siècle se dessine la renaissance d’un instrument qui
ne sera plus celui à cordes de métal mais la harpe à corde de Boyau, d’origine
galloise, connue aujourd’hui sous le nom de harpe celtique.
L’ancienne musique de l’instrument médiéval nous est
pratiquement inconnue. A partir du 17e siècle, divers témoignages
attestent l’emploi de la harpe irlandaise, en soliste dans le répertoire du
luth, et dans des ensembles d’instruments pour la réalisation de la basse. Le
répertoire actuel de la harpe celtique est constitué par la musique
traditionnelle d’Irlande, d’Ecosse, du pays de Galles, relevée par des
collecteurs depuis la fin du 18e siècle. Le plus célèbre d’entre eux
fut l’irlandais Edward Bunting (1773-1843), qui, en 1792, à Belfast, réunit les
quelque douze vieux harpeurs encore existants ; un seul d’entre eux, Denis
Hempson (1695-1807), âgé alors de quatre vingt seize ans, jouait encore avec
les ongles et, semble-t-il, dans le style de la harpe irlandaise médiévale. Bunting
nota leur répertoire, qu’il publia en trois volumes, précédées de copieuses
préfaces où il rapporte tout ce qu’il a pu recueillir sur la harpe irlandaise,
son jeu et ses virtuoses. Un travail analogue a été fait en Ecosse et au Pays
de Galles.
La harpe celtique se prête parfaitement à l’interprétation de la
musique médiévale, renaissante, baroque (répertoire du luth et du clavecin), et
sa sonorité intéresse de nombreux compositeurs contemporains (G. Migot, A.
Tchérepnine, M. Kelkel, A. Weber, Aubert Lemeland, Marc Carles).
BIBLIOGRAPHIE
Giraldus Cambrensis Hibernica (1187) in Oeuvres complètes, éd. par J.S. Brewer, J.F. Dimrock et G.F. Warner, Londres 1861-91, vol. 5 ;
V. Galilei, Dialogo della musica antica e della moderna, Florence 1581, rééd. en facs. Rome 1934 ; éd. abrégée par F. Fano, Milan 1947 ; trad. anglaise abrégée in O. Strunk, Source Readings in Music Hist., Neww-York 1950
M. Praetorius, Syntagma musicum, II De organographia, Wolfenbüttel 1618 2/1619, rééd. en facs par W. Gurlitt, Kassel, BV, 1958-59
E. Bunting, A General Coll. of the Ancient Irish Music..., Londres 1796 ; du même, A General Coll. of the Ancient Music of Ireland..., Londres 1809 ; du même, A General Coll. of the Ancient Music of Ireland...arranged for pianoforte and voice, Dublin 1840
D.J. O'Sullivan, Carolan, The Life Times and Music of an Irish Harper, Londres, Routledge & Kegan Paul 1958
J. Rimmer, the Irish Harp, Cork, Mercier Press, 1969
E. Leipp et D. Mégevand, La harpe celtique, in Bull. du G.A.M. n°73, 1974.
V. Galilei, Dialogo della musica antica e della moderna, Florence 1581, rééd. en facs. Rome 1934 ; éd. abrégée par F. Fano, Milan 1947 ; trad. anglaise abrégée in O. Strunk, Source Readings in Music Hist., Neww-York 1950
M. Praetorius, Syntagma musicum, II De organographia, Wolfenbüttel 1618 2/1619, rééd. en facs par W. Gurlitt, Kassel, BV, 1958-59
E. Bunting, A General Coll. of the Ancient Irish Music..., Londres 1796 ; du même, A General Coll. of the Ancient Music of Ireland..., Londres 1809 ; du même, A General Coll. of the Ancient Music of Ireland...arranged for pianoforte and voice, Dublin 1840
D.J. O'Sullivan, Carolan, The Life Times and Music of an Irish Harper, Londres, Routledge & Kegan Paul 1958
J. Rimmer, the Irish Harp, Cork, Mercier Press, 1969
E. Leipp et D. Mégevand, La harpe celtique, in Bull. du G.A.M. n°73, 1974.
L’enregistrement du disque a été réalisé sur une harpe
diatonique de Lyon-Healy de trente-deux cordes (étendue du do grave, deuxième
ligne supplémentaire inférieure, clé de fa, jusqu’au fa à l’octave de la ligne
supérieur clé de sol). Elle a été choisie parce qu’elle correspond exactement à
la tessiture des instruments décrits par E. Bunting dans sa préface.
Au 18e siècle, la harpe à corde de boyau s’est
généralisée en Irlande, au détriment de la harpe à cordes métalliques. Au Pays
de Galles, le boyau a toujours été employé, dès le Moyen-Age. Des essais de
construction d instruments à cordes métalliques ont été tentés : ils sont
peu convaincants jusqu’à ce jour, surtout, sans doute, parce que le secret de
la vieille technique s’est perdu (on jouait avec les ongles et on étouffait les
sons beaucoup plus que dans le jeu de la harpe à cordes de boyau).
Collection dirigée par Ariane Ségal. Prise de son : Claude Morel
BIOGRAPHIE DU HARPISTE
Régis Chenut fit ses études musicales au Conservatoire de Strasbourg (piano, solfège, harmonie, histoire de la musique, clavecin et harpe) où il obtint un prix de clavecin, un prix de harpe ainsi que des diplômes de piano, solfège et harmonie.
Parallèlement, il travailla le clavecin avec Aimée von de Wiele (Paris) puis la harpe avec Liana Pasquali, professeur au Conservatoire de Bucarest, dans le cadre des cours internationaux de perfectionnement musical de Taormina (Sicile).
Il se spécialisa dans l'étude de la harpe "irlandaise" (harpe ancienne et diatonique) avec Denise Mègevand (Paris) et fit plusieurs séjours à Dublin pour effectuer des recherches sur l'instrument et son répertoire celtique.
Depuis 1968, il donne de nombreux concerts, participe à de nombreux festivals et à des émissions de télévision.
Parallèlement, Régis Chenut a fait des études universitaires (licence ès lettres) et enseigne le français dans une petite ville d'Alsace.
Photo Geoffroy Dahl |
1 commentaire:
Hello
Voilà un bel hommage!
Bisous
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