Le nouveau Marquoir étant sorti, je suis autorisée à publier sur mon blog une légende que j'avais écrite pour le numéro de Noël. Il y est question de fée, de broderie et de fête de la lune. J'en profite pour vous rappeler que la pleine lune approche. N'oubliez pas de montrer vos pots de fils et vos ciseaux préférés, le jeudi 9 avril !
N’ayez crainte, chers petits humains ! Je ne suis qu’un très vieux gnome inoffensif venu bercer vos songes nocturnes avec l’histoire merveilleuse de la fée Isador. Restez bien au chaud dans vos lits douillets et écoutez ce que je vais vous raconter…
Il y a bien longtemps, je vivais au cœur d’une lointaine forêt parmi la tribu des gnomes chenus. Nous avions de nombreuses activités qui nous occupaient sans répit : cueillette, construction de galeries, ramassage de bois... Les gros travaux ne nous effrayaient pas mais nous n’étions guère méticuleux. Les épines de ronces qu’on utilisait parfois pour raccommoder nos habits grossiers, étaient très difficiles à manier. Elles se cassaient, se tordaient, piquaient les doigts et transperçaient le tissu après bien des efforts. Au fil des ans, j’étais un des rares à avoir acquis une certaine dextérité en la matière et on avait pris l’habitude de faire appel à moi pour les rapiècements les plus désespérés.
Secrètement, je rêvais de fines étoffes, de mousselines vaporeuses pendant que je m’échinais sur le dur cuir d’une botte ou la rugueuse toile de jute d’un pantalon mille fois reprisé. Je ne pensais jamais coudre autre chose que ces affreuses loques jusqu’au jour où Isador vint me trouver en pleurs. C’était la plus fragile des fées et elle connaissait le charme de ses doux yeux enfantins. Baignés de larmes, ils avaient un reflet d’argent qui chavirait mon cœur.
- J’ai toujours été très étourdie, tout le monde le sait. Et bien, j’ai complètement oublié que la fête de la lune avait lieu dans trois semaines et les vers à soie ne pourront pas tisser le fil nécessaire à la confection de ma nouvelle robe. Je serai la plus horrible des fées et devrai peut-être retourner vivre parmi les humains.
- Pourquoi ne portes-tu pas la magnifique robe émeraude de l’année dernière ? Elle t’allait si bien…
- Tu l’avais donc remarqué ?
Bien sûr que je me souvenais d’Isador dans cette merveilleuse parure qui ressemblait aux ailes d’un papillon de nuit. Comment oublier une telle beauté ?
- Apporte-moi, cette ancienne robe. Je vais la teindre dans une autre couleur et essayer d’en modifier la forme. Je ne vois pas d’autre solution.
De ma vie, je n’avais jamais touché une matière aussi délicate. Elle était fraîche comme le pétale d’une rose, légère comme la musique d’une harpe. Isador m’avait confié cette splendeur et je pouvais la retravailler à ma guise, lui donner une seconde vie. Paniqué à l’idée de cette tâche immense, mon corps se mit soudain à trembler. Et si mes mains malhabiles faisaient un accroc dans ce voile si transparent que mes yeux habitués à la pénombre des sous-bois voyaient à peine ? C’était pure folie que de manipuler cette soie avec les doigts gourds d’un gnome. Il fallait métamorphoser la robe, mais autrement.
Au gré de mes promenades sylvestres, je ramassais de ci de là quelques cheveux d’elfes restés accrochés aux feuillages et récoltais de jolis fils irisés tissés par les araignées. Trop fragiles pour la couture, ils pourraient néanmoins être appliqués sur la soie à l’aide de mon aiguille. Prenant peu à peu confiance en moi, je laissais enfin parler mon imagination et dessinais point par point une ribambelle de motifs aux reflets subtils. Je faisais naître des entrelacs, des cœurs, des frises de fleurs, inventais toutes sortes de manières de croiser mes fils. Ils faisaient tantôt une croix, tantôt un nœud ou une tige…
Sous les rayons de la lune, la robe d’Isador fut cette année-là la plus belle. L’étoffe vert émeraude avait disparu derrière les ornementations qui mêlaient les éclats bleutés d’une chevelure elfique aux brillances de la soie des arachnides. L’art de la broderie était né, pour les beaux yeux de la fée Isador.
Que cette histoire reste à jamais secrète entre nous. Inutile de scandaliser vos gentilles mamans brodeuses en leur révélant que c’est un gnome qui inventa leur passe-temps favori. D’ailleurs, elles ne vous croiraient sans doute pas…
(c) Hélène croix de lune, Le Marquoir, n°64
LA LEGENDE D'ISADOR
N’ayez crainte, chers petits humains ! Je ne suis qu’un très vieux gnome inoffensif venu bercer vos songes nocturnes avec l’histoire merveilleuse de la fée Isador. Restez bien au chaud dans vos lits douillets et écoutez ce que je vais vous raconter…
Il y a bien longtemps, je vivais au cœur d’une lointaine forêt parmi la tribu des gnomes chenus. Nous avions de nombreuses activités qui nous occupaient sans répit : cueillette, construction de galeries, ramassage de bois... Les gros travaux ne nous effrayaient pas mais nous n’étions guère méticuleux. Les épines de ronces qu’on utilisait parfois pour raccommoder nos habits grossiers, étaient très difficiles à manier. Elles se cassaient, se tordaient, piquaient les doigts et transperçaient le tissu après bien des efforts. Au fil des ans, j’étais un des rares à avoir acquis une certaine dextérité en la matière et on avait pris l’habitude de faire appel à moi pour les rapiècements les plus désespérés.
Secrètement, je rêvais de fines étoffes, de mousselines vaporeuses pendant que je m’échinais sur le dur cuir d’une botte ou la rugueuse toile de jute d’un pantalon mille fois reprisé. Je ne pensais jamais coudre autre chose que ces affreuses loques jusqu’au jour où Isador vint me trouver en pleurs. C’était la plus fragile des fées et elle connaissait le charme de ses doux yeux enfantins. Baignés de larmes, ils avaient un reflet d’argent qui chavirait mon cœur.
- J’ai toujours été très étourdie, tout le monde le sait. Et bien, j’ai complètement oublié que la fête de la lune avait lieu dans trois semaines et les vers à soie ne pourront pas tisser le fil nécessaire à la confection de ma nouvelle robe. Je serai la plus horrible des fées et devrai peut-être retourner vivre parmi les humains.
- Pourquoi ne portes-tu pas la magnifique robe émeraude de l’année dernière ? Elle t’allait si bien…
- Tu l’avais donc remarqué ?
Bien sûr que je me souvenais d’Isador dans cette merveilleuse parure qui ressemblait aux ailes d’un papillon de nuit. Comment oublier une telle beauté ?
- Apporte-moi, cette ancienne robe. Je vais la teindre dans une autre couleur et essayer d’en modifier la forme. Je ne vois pas d’autre solution.
De ma vie, je n’avais jamais touché une matière aussi délicate. Elle était fraîche comme le pétale d’une rose, légère comme la musique d’une harpe. Isador m’avait confié cette splendeur et je pouvais la retravailler à ma guise, lui donner une seconde vie. Paniqué à l’idée de cette tâche immense, mon corps se mit soudain à trembler. Et si mes mains malhabiles faisaient un accroc dans ce voile si transparent que mes yeux habitués à la pénombre des sous-bois voyaient à peine ? C’était pure folie que de manipuler cette soie avec les doigts gourds d’un gnome. Il fallait métamorphoser la robe, mais autrement.
Au gré de mes promenades sylvestres, je ramassais de ci de là quelques cheveux d’elfes restés accrochés aux feuillages et récoltais de jolis fils irisés tissés par les araignées. Trop fragiles pour la couture, ils pourraient néanmoins être appliqués sur la soie à l’aide de mon aiguille. Prenant peu à peu confiance en moi, je laissais enfin parler mon imagination et dessinais point par point une ribambelle de motifs aux reflets subtils. Je faisais naître des entrelacs, des cœurs, des frises de fleurs, inventais toutes sortes de manières de croiser mes fils. Ils faisaient tantôt une croix, tantôt un nœud ou une tige…
Sous les rayons de la lune, la robe d’Isador fut cette année-là la plus belle. L’étoffe vert émeraude avait disparu derrière les ornementations qui mêlaient les éclats bleutés d’une chevelure elfique aux brillances de la soie des arachnides. L’art de la broderie était né, pour les beaux yeux de la fée Isador.
Que cette histoire reste à jamais secrète entre nous. Inutile de scandaliser vos gentilles mamans brodeuses en leur révélant que c’est un gnome qui inventa leur passe-temps favori. D’ailleurs, elles ne vous croiraient sans doute pas…
(c) Hélène croix de lune, Le Marquoir, n°64
18 commentaires:
C'est pas plutôt le 9 avril??
;-) (qu'est-ce que je gagne?)
Je garde la lecture de ta belle histoire pour un moment de calme, je me régale d'avance...
Merci pour ce beau et bon moment de lecture
au 9 avril pour la photo
bises
Comme j'avais aimé ton histoire lorsque que je l'ai lue dans mes collines....
je viens de passer un joli moment
merci et a jeudi
bises
n bien joli conte!
bravo.
J'ai hâte d'avoir enfin Le Marquoir pour relire cette belle histoire !
Je t'embrasse,
Laurence S.
Une belle histoire que je mets en réserve pour mon petit-fils qui adore les histoires de fées et qui se met petit à petit à remplir son diagramme au demi-point!(il va avoir 5 ans en aout);Je ne serai pas là pour la prochaine pleine lune mais en Croatie!Ce sera donc en rettard que je mettrai mon pot en ligne!
[url)http://mireillepri;canalblog.com[/url]
J'adore !
Ton histoire est vraiment très jolie .
Les poussières de fils et les ciseaux sont visibles sur mon blog
bisousbisous
magnifique histoire !
bravo!
Joli conte... merci.. la photo de ma récolte est sur mon blog !!
BISES
Très jolie histoire ! Merci de nous en faire profiter ! Mon pot à fil est sur mon blog...mais sans mes ciseaux car je n'en utilise qu'une paire...et je les ai oubliés sur la photo ! Ce sra pour la prochaine fois ! Douces fêtes de Pâques. Laurence
Merci Hélène pour cette merveilleuse histoire ! et merci pour ta géniale idée de récolter les petits bouts de fils .. mon pot se remplit et les fils ne trainent plus par terre !!
Bonnes fêtes de Pâques !
très belle histoire!!
bises
françoise
Quelle belle histoire, bravo !
Quel joli texte, je l'ai partagé avec mes copines du club "Montréal point de croix"... merci...
Gingin
Montréal, Québec, Canada
Bonjour,
J'ai rencontré une créatrice de robes de fées et de rêve, il y a quelques semaines à l'occasion du Festival des Dentelles à Mehun-sur-Yèvre (18).
Elle s'appelle Sylvie Facon et expose ses créations dans ce même bourg, au Pôle de la Porcelaine, jusqu'au 21 juin (visite les samedis et dimanches après-midi jusqu'en mai puis tous les après-midi en mai et juin).
Le dernier paragraphe du conte illustre parfaitement sa technique.
C'est à voir... un vrai régal et même plus.
Elle n'a ni site ni blog mais on peut apercevoir quelques-unes de ses créations en cherchant avec son nom sur Google...
Belle journée à vous.
Hélène Grise.
Ohhhh ta légende est magnifique !
Pourquoi ne pas en écrire d'autres et les publier, des légendes brodeuses ! ??? ohhhh
J'adore ton blog...Je suis en train d'ouvrir un forum sur les ciseaux de broderie si ça t'intéresse ! Bisous brodés !
www.ciseaux.forumperso.com
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