samedi 25 mai 2013

Portrait d'une harpiste dans Mansfield Park, de Jane Austen


Issue d’une famille miséreuse, Fanny Price est âgée de 10 ans quand elle adoptée par son oncle maternel, Sir Thomas Bertram. Accueillie dans le domaine de Mansfield Park, elle est élevée avec ses cousins Tom, Edmund, Maria et Julia, tous plus âgés qu'elle. Bientôt, de nouveaux jeunes gens venus de la ville arrivent dans les environs : Henry et Mary Crawford, frère et sœur de la femme du nouveau pasteur, le Dr Grant. Leur arrivée bouleverse la vie austère de Mansfield Park, sous les yeux de Fanny, qui vient d'avoir dix-huit ans.

Dans les chapitres 6 et 7, après avoir évoqué les difficultés du transport d’une harpe, Jane Austen laisse Marry Crawford s’exprimer sur son rapport à la musique puis la décrit jouant de son instrument.

Illustration de Mansfield Park, C.E. Brock, 1908
- Monsieur Bertram, dit-elle, j’ai enfin reçu des nouvelles de ma harpe. On m’assure qu’elle est arrivée à Northampton en bon état ; et elle est probablement là-bas depuis dix jours déjà, en dépit des assurances solennelles et contraires que l’on nous a si souvent données.

Edmund exprima sa surprise et sa satisfaction.
- Pour dire le vrai, reprit-elle, nos questions étaient trop directes ; nous avons envoyé un domestique ; nous y sommes allés nous-mêmes : cela n’est pas le bon procédé quand on se trouve à soixante-dix milles de Londres ; mais ce matin, nous en avons entendu parler comme il se doit. Elle a été aperçue par un fermier, qui en a parlé au meunier, puis le meunier en a parlé au boucher, et le gendre de ce dernier a laissé un message pour nous à la boucherie.
- Je suis très content que vous en ayez des nouvelles, quelque soit le moyen qui ait été employé ; et j’espère qu’elle arrivera sans plus tarder.
- Je devrais la recevoir demain ; mais comment croyez-vous qu’elle va être transportée ? Ni en chariot, ni en charrette ; oh non, nous n’avons pu louer aucune voiture de ce genre au village. J’aurais tout aussi bien pu réclamer des porteurs ou une charrette à bras.
- Vous rencontrerez, j’imagine, des difficultés pour louer un cheval et une charrette en ce moment, alors qu’on se trouve au beau milieu d’une fenaison très tardive.
(…)
- Je finirai un jour par comprendre vos usages ; mais en arrivant en ce lieu, armée d’une des maximes si prisées à Londres selon laquelle tout s’achète, je me suis sentie au début plus décontenancée par la vigoureuse indépendance d’esprit qui caractérise vos coutumes campagnardes. Néanmoins, il faut que je fasse prendre ma harpe demain. Henry qui est la générosité même s’est offert à aller la chercher avec sa calèche. N’est-ce pas pour elle un moyen de transport assez noble ?
Edmund dit que la harpe était son instrument de musique préféré et qu’il espérait être bientôt autorisé à voir Mlle Crawford en jouer. Fanny qui n’avait jamais entendu le son de la harpe, ajouta qu’elle désirait vivement, elle aussi, goûter ce plaisir.
- Je serais très contente de jouer pour vous deux, assura Mlle Crawford, du moins aussi longtemps qu’il vous plaira de l’écouter ; sans doute bien au-delà, même, car de mon côté, j’ai une passion pour la musique ; et là où les goûts sont par nature comparables, c’est l’interprète qui retire toujours le plus de satisfaction. Maintenant monsieur Bertram, si vous écrivez à votre frère, je vous demanderais de lui annoncer que ma harpe est bien arrivée, car je lui ai souvent confié combien j’en étais privée. Et vous ajouterez, je vous prie, que je vais répéter les mélodies les plus élégiaques dans l’attente de son retour, par compassion pour lui, car je sens que son cheval va perdre.
 (...) 

 L’attraction qu’exerçait Mlle Crawford ne diminua pas. La harpe arriva et ajouta encore à sa beauté, à son esprit et à sa bonne humeur, car elle se mit à en jouer avec la plus grande obligeance, un sens de l’expression et un goût qui lui allaient fort bien, et elle trouvait  toujours quelque remarque intelligente à faire à la fin de chaque morceau. Edmund se rendait au presbytère tous les jours pour se laisser aller à la joie d’entendre son instrument favori ; chaque matin lui assurait une invitation pour le lendemain, car la demoiselle ne pouvait être fâchée d’avoir un auditeur, et tout alla bientôt bon train.
Une jeune fille, aimable et vive, pinçant une harpe aussi élégante qu’elle, toutes deux placées auprès d’une porte fenêtre qui donnait sur une modeste pelouse, entourée de buissons couverts d’un touffu feuillage d’été, voilà qui était bien propre à gagner le cœur d’un homme. La saison, le cadre, l’atmosphère même favorisaient les tendres sentiments. Mme Grant et son tambour à broderie n’étaient pas non plus sans leur utilité ; tout n’était qu’harmonie (…).

samedi 11 mai 2013

La harpe (Albert Sérieys, Le jardin fermé)

Depuis plus d'un mois, je brode ce long poème sur ma housse de harpe : 

D’une forme d’aile d’ange
Qui s’éploierait en frissons
De murmures et de sons
Ineffables, elle échange,
Hymnes, avec vous des airs
Fluides, soyeux et clairs.


Il faut qu’une main de femme
Rôde à travers ce fouillis
D’ors mêlés de gazouillis,
Pour qu’au mieux vibre la trame
Nuancée, aux souples fils,
Des enchantements subtils,


Et c’est une broderie
Qui s’ébauche peu à peu,
Lumineuse dans le bleu
D’une poussière fleurie,
C’est comme un tapis flottant
Sur l’eau vierge d’un étang.


Et la source qui bruine,
Rafraîchissante rumeur,
Léthé du sous-bois charmeur,
Est encore moins enfantine,
Berce moins d’azur réel
Que la harpe au chant de ciel.
Poème idéal pour mon projet puisqu'il associe harpe et broderie. Je vous montre des images dès que j'aurais terminé la 2e strophe !

Angeli Laudantes, 1898 (tapisserie  Morris & co d'après Burne Jones)