Merci à toutes celles qui participent à cet hommage en mouchoirs au Marquoir !
Non, ce n'est pas la fin de ce blog (ni la fin du monde). "A vos mouchoirs" est le titre de d'un texte écrit spécialement pour le dernier numéro du Marquoir que les abonnées ont du recevoir. C'est une sorte de point d'orgue aux aventures de la mercière Béatrice et ses amies que je me suis amusée à raconter dans "Les mots brodés".
Et comme dans mon histoire, je vous invite à publier sur votre blog des photos de mouchoirs pour dire symboliquement au revoir au Marquoir. Et comme je suis une grande curieuse, merci de m'indiquer dans un commentaire si vous participez à cet hommage. Je suis certaine que ce sera très beau, un peu comme l'aventure des Fils en poussière !
A vos mouchoirs
La féerie de Noël s’était éteinte, guirlande après
guirlande ; la mercerie semblait bien silencieuse en ce mardi matin
d’hiver. Je serais bien partie me reposer quelques jours à la montagne, afin
d’oublier toiles de lins et écheveaux…
Un important courrier que je
n’avais pas eu le courage de traiter samedi dernier attendait sur le comptoir,
à côté du fragile coupe-papier offert par le club de point de croix local.
Seules les lettres d’amies ou de clientes méritaient son usage, les factures
pourraient bien attendre quelques jours de plus. Certaines brodeuses
m’envoyaient leurs vœux de nouvel an accompagnés de petits cadeaux faits main.
Je me réjouissais comme une enfant en déchirant les enveloppes rembourrées de
surprises ravissantes : accroches ciseaux, pochettes en patchwork,
carnets… Tous ces petits riens inutiles qu’on échange entre passionnées et qui
rendent perplexes les non initiées.
Je m’apprêtais à ranger les revues
reçues dans le panier à journaux, quand soudain je le vis : le dernier
numéro du Marquoir ! Son joli
titre, rouge comme les abécédaires d’antan, était imprimé pour la dernière fois
sur cette couverture glacée dont j’aimais tant la douceur. Je ne pensais pas
être autant émue en déchirant le film plastique qui protégeait ce bulletin.
Allais-je tout oublier et le dévorer debout, derrière mon comptoir ? Ou
comme à mon habitude, attendre l’heure du thé pour m’installer à ma petite
table bistro en compagnie d’un peu de lecture ? Après tout, je pouvais
bien faire une pause dès maintenant.
Pendant que l’eau frissonnait dans
la bouilloire, je songeais à tout ce que j’avais appris dans le Marquoir, à toutes les découvertes,
rencontres que j’avais faites simplement en tournant ses pages. D’autres
magazines avaient cessés de paraître et j’avais survécu. Il y avait des choses
plus graves dans la vie que l’arrêt d’une revue, la dissolution d’une
association. Il n’empêche, j’avais le cœur serré en parcourant l’éditorial.
Il me semblait deviner en
filigrane la disparition de toute une époque. Rien ne dure, tout change, se
transforme. Le monde est en perpétuelle métamorphose. Oui mais moi, Béatrice,
mercière un peu trop idéaliste, quelle place allais-je garder dans ce monde
instable ? Combien de temps allais-je pouvoir encore vivre mon rêve de
chiffon ? J’étais triste à l’idée de mettre moi aussi, la clé sous la
porte. Bientôt, peut-être. Trop tôt, sans doute.
Alors, pour chasser ma peine,
éloigner mes angoisses, je me mis à refaire frénétiquement ma vitrine. Il était temps de ranger les
sapins enneigés. Je choisis d’exposer mon impressionnante collection de
mouchoirs en dentelles ou à monogrammes brodés ; ce serait ma manière de dire symboliquement au revoir
au Marquoir, comme lorsque jadis on
agitait ces morceaux d’étoffe au moment des grands départs.
Et puis rien de tel que la douceur
d’un mouchoir pour essuyer ses larmes et repartir, consolée.