lundi 7 juillet 2008

Réflexion sur le passé

Pour finir l'année scolaire, un petit extrait d'un thriller moyenâgeux qui, sorti de son contexte, colle parfaitement à l'ambiance du moment où fleurissent sur nos blogs, des pages consacrées aux brocantes, aux articles de mercerie à l'ancienne, aux abécédaires de jadis... Le temps est à la nostalgie, et ce n'est pas pour me déplaire.

Aujourd’hui, tout le monde attend qu’on le divertisse et que le divertissement soit permanent. Les réunions d’affaires doivent être dynamiques, avec des tableaux et des graphiques animés pour éviter aux participants de sombrer dans l’ennui. Les grands magasins, les centres commerciaux doivent être attrayant afin de vendre en nous amusant. Les politiciens doivent donner d’eux-mêmes une image séduisante et ne dire que ce que nous voulons entendre. Les professeurs prendre garde de ne pas raser les jeunes esprits habitués à la vitesse et à la variété des programmes télévisés. Les étudiants étudier en se distrayant. Quand on se ne distrait plus, on change. On change de marque, de chaîne, de parti, d’amis. Telle est la réalité de notre société occidentale à la fin de notre siècle. Dans les siècles précédents, l’être humain voulait s’améliorer, être sauvé, libéré ou éduqué. Aujourd’hui, il veut qu’on le distraie. La grande peur n’est ni celle de la maladie ni celle de la mort, mais la peur de l’ennui. Ce sentiment de disposer beaucoup de temps, de ne rien avoir à faire, de ne pas s’amuser. Jusqu’où ira cette manie de la distraction ? Que fera t-on lorsqu’on se sera lassé de la télévision et lassé du cinéma ? Nous connaissons la réponse : on se tournera vers d’autres activités : sports, parcs à thème, attractions, montagnes russes. Du plaisir organisé, des sensations programmées. Et que fera-t-on quand on se sera lassé des parcs d’attractions ? Tôt ou tard, ces plaisirs paraîtront artificiels, on comprendra qu’un parc de loisirs est en vérité une sorte de prison où l’on paie pour être un détenu. On en viendra donc à rechercher l’authenticité. Ce sera le mot clé du nouveau siècle. Qu’est-ce qui est authentique ? Ce qui n’est pas conçu et organisé pour faire du profit. Ce qui n’est pas contrôlé par les grandes entreprises. Ce qui existe en soi et prend sa propre forme. Il va sans dire que dans le monde moderne on ne laisse rien prendre sa propre forme. Le monde moderne est l’équivalent commercial d’un jardin à la française où tout est planté et disposé géométriquement. Où rien n’est naturel, où rien n’est authentique. Vers quoi se tournera-t-on alors pour vivre l’expérience si rare, si désirable de l’authenticité ? On se tournera vers le passé. Quoi de plus authentique que le passé ? Il était là avant Disney et Murdoch, Nissan, Sony, IBM et tous ceux qui façonnent notre quotidien. Le passé était là avant qu’ils arrivent pour modeler les esprits et pour vendre. Le passé est réel, il est authentique : c’est ce qui le rendra follement attrayant. Voilà pourquoi j’affirme que l’avenir est le passé.

Michael Crichton, Prisonniers du temps (thriller). 1999 : Edition Pocket.

Seulement voilà, le retour au passé est aussi une nouvelle mode et certains prix pratiqués sur les brocantes me font bondir ! C'est la loi du marché et il faut bien que l'économie tourne mais moi, je me demande s'il existe encore quelque chose d'authentique de nos jours. Voilà une question pour le bac philo de l'an prochain...


Je vous laisse durant deux mois en compagnie de la charmante Justine et de son immense marquoir qui m'occupera sans doute tout l'été, ainsi que le Salexandre et d'autres bricoles. Plutôt que de vous montrer ma progression laborieuse sur ces ouvrages, je préfère vous donner rendez-vous en septembre.

Bonnes vacances... ou bon courage si vous travaillez durant l'été.